
Dans la peau d’une… infirmière
Travailler c’est ce qu’on fait 70% de notre temps et parce qu’il y a des métiers inspirants, admirables, et qui ont du sens, mais dont on n’entend pas assez parler, on a décidé d’interviewer des femmes passionnées par leur job. Cela pourra peut-être vous aider à trouver votre voie.
Dans ce témoignage, Ibtissam nous parle de son métier d’infirmière. À travers ses mots, on sent à quel point elle est impliquée dans son travail et passionnée par l’humain. Elle est la preuve qu’il y a des métiers qui sont bien plus que des métiers, ce sont des vocations. Elle nous parle aussi de ce projet qu’elle a co-créé, avec sa collègue : un atelier de socio-esthétique qui accompagne les femmes qui ont le cancer, à prendre soin d’elles, ce qui rejoint ses deux passions : l’humain/le soin à la personne, et le makeup. Comme quoi, dans un seul métier, on peut en faire plusieurs, et même créer sa propre activité au sein même de l’entreprise dans laquelle on travaille.
Découvrez une interview touchante et riche en apprentissages :
Quel est ton parcours scolaire et professionnel ?
J’ai obtenu un bac scientifique en 2005. J’ai par la suite tenté la première année de médecine à l’université de Grenoble. Après avoir raté mon concours j’ai tenté une première année de licence chimie biologie. En parallèle, j’ai préparé mon concours d’entrée à l’école d’infirmière. Je suis entrée en institut de formation d’école d’infirmière à Lyon. L’année 2021 est une année spéciale pour moi, je fête mes 10 ans en tant qu’infirmière.
Après avoir obtenu mon diplôme je suis retournée sur Grenoble j’ai travaillé dans une clinique. Au départ, j’ai été remplaçante je tournais dans tous les services. Par la suite, j’ai intégré le service de médecine gériatrique et soins palliatifs.
Cette première expérience professionnelle m’a fait découvrir l’oncologie. Ce que j’appréciais le plus c’était l’accompagnement dans les soins de confort des personnes en soins palliatifs.
Je me suis donc naturellement dirigée vers un poste d’infirmière en oncologie-hématologie (cancérologie générale). Je travaille actuellement dans un hôpital de jour d’oncologie-hématologie (service ambulatoire) en d’Île de France. Après avoir était dans les soins, l’administration des traitements, j’ai fait une formation pour être infirmière d’annonce et de coordination. Je suis actuellement en master 1 pour devenir infirmière de pratique avancée tout en continuant mon activité professionnelle. En tant qu’infirmière de pratique avancée, je pourrais avoir mes propres consultations, prendre en charge cliniquement les patients de façon totalement autonome (renouvellement de prescriptions, auscultations cliniques, suivi des thérapeutiques).
En quoi consiste ton métier ?
Le métier d’infirmière est très diversifié. Nos compétences et nos actes dépendent de la spécificité de notre service. On peut aller dans plusieurs services, avoir plusieurs “casquettes”. On pense souvent que les infirmières ne font que des piqûres et donnent des médicaments. Le métier d’infirmière ce n’est pas être qu’une technicienne, ou juste appliquer la prescription médicale, c’est beaucoup plus que ça.
Être infirmière c’est accompagner un être humain qui est souvent fragilisé par une maladie, une infection, une blessure. C’est le prendre dans son intégralité bio/psycho/social et lui apporter les ressources nécessaires à son confort, son bien-être via des traitements, des perfusions, des soins et même une simple écoute. Il faut voir son patient dans sa globalité, son intégralité en tant que personne. On parle des soins au sens large, être soignant ne veut pas dire être là que pour guérir les personnes.
Au sein de mon service, j’accompagne les patients en ambulatoire tout au long de leur parcours de soin. Je m’occupe plus particulièrement du suivi des patients qui ont de la chimiothérapie par voie orale. Les personnes sont à domicile et doivent faire face à des difficultés lors de la prise de leur traitement ou à des effets secondaires. Mon travail est de les éduquer à la bonne prise du traitement, à reconnaître les effets secondaires et comment pallier à ceux-là. Je les accompagne par suivi téléphonique et aussi avec des entretiens sous forme d’ateliers individuels d’éducation thérapeutique, pour les aider à mieux vivre avec les contraintes liées au traitement et à l’acceptation de sa maladie. Je suis leur première interlocutrice lorsqu’ils ont un problème ou une question liée au traitement qu’ils prennent.
Je suis aussi référente d’un atelier de socio-esthétique que j’ai créé avec une collègue. Dans ces ateliers nous proposons des conseils, des techniques de maquillage (reconstruction sourcils, mise en beauté), mais aussi des conseils d’hydratation de la peau qui est fragilisée avec les traitements. La chimiothérapie cause des toxicités cutanées et des phanères. Nous apprenons aux patients à prendre soin d’eux, à s’approprier leur nouvelle image corporelle. Il est important qu’ils ne se définissent pas par leur maladie. Le cancer est devenu une maladie chronique, les patients vivent parfois longtemps avec leur maladie. Ils ont des hauts et des bas, de bonnes nouvelles et d’autres plus difficiles. Ils perdent parfois leurs cheveux, ont des cicatrices, des ablations de seins. Leur bien-être physique à travers le soin esthétique est primordial pour leur estime de soi.
Pourquoi as-tu choisi de devenir infirmière ?
Au départ, je voulais être sage-femme c’est pour cela que j’ai tenté la première année de médecine. J’ai toujours voulu être dans la santé mais je ne savais pas quoi faire. Je ne connaissais pas vraiment le métier d’infirmière. Une cousine à moi qui était aide-soignante et voulait devenir infirmière m’a convaincu de faire le concours. Pour elle, c’était un métier qui correspondait à ma personnalité. C’est lors de mon premier stage en service de neurologie que c’est devenu une évidence pour moi. Je voulais être infirmière. J’ai adoré apprendre en allant dans différents services pendant ma formation autant au niveau technique qu’au niveau théorique. J’ai découvert ce métier avec plein de ressources humaines et intellectuelles. Aujourd’hui je peux dire que j’ai trouvé ma vocation.
Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier et qu’est-ce que tu aimes le moins ?
On va commencer par ce que j’aime le moins; la touche négative pour après partir dans le positif. C’est difficile parce que j’aime beaucoup ce que je fais. Malgré tout, il y a une pénibilité du travail, physique, mais surtout psychologique. Nous avons beaucoup de responsabilités, nous administrons des traitements qui peuvent être dangereux voir mortel pour la personne si on ne donne pas la bonne dose. Nous avons la vie des patients entre nos mains. Nous ne comptons pas nos heures, nous sommes investies, consciencieuses et pourtant si mal valorisées. Notre salaire n’est pas à la hauteur de nos responsabilités ni de nos compétences. Nous devons gérer une charge émotionnelle importante et une pression au quotidien.
Après, pour les côtés positifs; le plus valorisant, est la gratitude que les patients ont envers nous. La relation avec mes patients est particulière. C’est vraiment à travers mon poste actuel dans le service d’hôpital de jour de cancérologie que j’ai vraiment développé mon côté relationnel surtout avec ma formation et mon poste de consultation d’annonce.
J’aime faire des soins techniques, perfuser, soigner et procurer du bien être à mes patients à travers mes soins. Pour moi cette relation que l’on crée, ce partenariat tout au long de leur parcours de soins est unique.
J’axe beaucoup mes soins autour du relationnel, surtout pendant mes ateliers de socio-esthétique. C’est un moment de partage entre nous, il n’y a plus de soignant ni de soigné, mais juste des personnes qui partagent une expérience de vie à travers la maladie. Je suis moi-même de nature coquette, j’aime me maquiller, prendre soin de moi et pour moi c’était indispensable que mes patientes se sentent belles. Elles perdent leurs cheveux, les cils, les sourcils, jusqu’a parfois, l’ablation d’un sein. Elles ne se sentent plus féminines, elles doivent se reconstruire, apprivoiser leur nouvelle image corporelle, s’aimer avec une perruque, un turban, un teint pâle. Ils doivent surtout s’exercer à prendre soin d’eux, hommes et femmes pendant le cancer, qui est devenu une maladie chronique avec un allongement de l’espérance de vie. À travers ces ateliers d’éducation thérapeutique, on apprend à être humble face à ces personnes qui se battent chaque jour pour leur vie, pour mieux vivre avec leur maladie. Pour moi, c’est la plus belle chose que j’ai faite dans ma carrière de monter cet espace bien-être. De voir la joie, le bien-être, l’apaisement dans leurs yeux après chaque atelier, chaque soin, ça n’a pas de prix. Même si juste avant je parlais de la revalorisation des salaires qui est certes importante au vu des responsabilités que l’on a, la reconnaissance des patients, la satisfaction de leur avoir apporté quelque chose nous conforte dans le choix de ce métier.
Quelles sont les qualités nécessaires pour être infirmière ?
Personnellement, je trouve qu’il faut vraiment faire ce métier-là par choix et non par dépit. Si je devais donner quelques qualités, ce sont déjà, savoir écouter, avoir de l’empathie et avoir un grand sens du relationnel. Ce n’est pas forcément inné, on apprend avec le temps et l’expérience à avoir une intuition dans la relation avec son patient pour apprendre à le connaître et savoir poser les mots adaptés en fonction des situations de soins. Ce métier demande d’avoir une force mentale, parce qu’il y a des moments difficiles on est souvent confronté à des échecs thérapeutiques et à la mort. On doit être un soutien pour le patient, mais aussi pour les proches. On ne s’occupe pas que de la personne qui est dans un lit, mais on s’occupe aussi de son entourage. Il faut aussi savoir être organisé et avoir un sens de l’observation, la charge mentale est importante, le travail souvent lourd, sans droit à l’erreur. Ce qu’il ne faut pas oublier c’est pourquoi on a fait ce métier. Notre priorité malgré les difficultés reste l’optimisation de la bonne prise en charge du patient dans sa globalité.
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