
Lilou Guilleau-Tavernier, vivre pour danser
Lilou Guilleau-Tavernier vit pour la scène. Du haut de ses 22 ans, la Briançonnaise d’origine a trouvé dans la danse, ce qui la fait vibrer. Véritable exutoire et revanche sur la vie, c’est sur les planches des plus grands cabarets du monde qu’elle imagine son avenir.
Elle arrive au rendez-vous donné, place Garibaldi à Nice, aveuglée par les rayons du soleil. Avec elle, ce sourire communicatif qui ne la quitte jamais. Personnalité solaire. Installée sur une chaise en osier du Café de la place, une tasse de thé vert brûlante à la main, elle nous emmène dans sa bulle et évoque la danse avec des étoiles dans les yeux.
Autour de nous, c’est comme si le temps s’était figé : le marché des Artisanales dominical de la place et les serveurs qui s’affairent à prendre les commandes en seraient presque oubliés. Plus un bruit. Par ses mots, elle nous transporte avec elle, sur scène, juste avant que le rideau ne s’ouvre. Elle nous fait ressentir avec excitation, cette « sorte de tension » qu’elle affectionne tant, « quand le public ne parle plus ». La chaleur des chauffages de la terrasse rappelle alors cette sensation inqualifiable que lui procure « la lumière chaude des projecteurs sur le visage ». Déconnexion totale. « Quand je suis sur scène, c’est là où je me sens pleinement vivante. Je suis à ma place et je ne dois être nulle part ailleurs. »
Sa discipline de prédilection, « son truc » comme elle l’appelle, elle l’a découverte il y a tout juste un peu plus d’un an : le cabaret. Une rencontre avec Émilie Tampigny, ancienne capitaine du Crazy Horse faite par hasard, comme un écho aux discussions qu’elle avait petite avec sa grand-mère, fascinée par le Moulin Rouge, les strass, les plumes et les paillettes.
Une renaissance. Face au miroir, véritable « confrontation avec soi-même », la danseuse se trouve « belle ». Courbes sensuelles, lignes flatteuses, postures féminines, du haut de ses 10 centimètres de talons, Lilou laisse place à Lily Glow. Un personnage fictif, fruit d’un « délire entre copines », symbolisant « la femme forte, indépendante et puissante » que rien ne peut atteindre.
« Ils m’ont vraiment mise plus bas que terre »
La confiance en elle qu’arbore aujourd’hui fièrement Lilou, n’a pourtant pas été une évidence. Adolescente, elle est victime de harcèlement. La jeune fille grandit très vite, fait beaucoup de danse et est très mince, ce qui lui vaut des « mots profondément méchants » de ses camarades, masculins principalement. « Et puis, quelques années plus tard, ils reviennent me parler parce que, ça y est, j’ai un peu glow up* », déclare-t-elle avec amertume, les mains tremblantes.
En formation professionnelle de danse à Nice depuis septembre 2019, elle a passé trois ans à danser parfois plus de sept heures par jour. « La vie d’un athlète de haut niveau », décrit l’artiste. Un quotidien intense, ponctué par des standards physiques à respecter : « Pour la direction de l’école, le corps d’une danseuse, c’est une fille toute mince. » À plusieurs reprises, la jeune femme se voit obligée d’encaisser des commentaires désobligeants sur son apparence et sa taille, jusqu’à développer des troubles du comportement alimentaire (TCA). « J’ai été plusieurs fois prise à part pour qu’on me dise clairement : tu dois maigrir », raconte-t-elle avec colère.
Avec toute la gratitude qu’un regard peut porter, une main sur la poitrine comme signe d’apaisement, Lilou mentionne le nom de Julie, sa coach, sa grande sœur de cœur, son premier pilier dans la capitale azuréenne. « C’est elle qui m’a aidée au niveau nutrition et psychologie parce que j’étais toute seule et ils m’ont vraiment mise plus bas que terre. » Elle remonte alors progressivement la pente, sans jamais perdre de vue son objectif : danser encore et encore. « Tu peux être cette fille dont tu rêves. Vas-y, la place est libre pour toi », s’encourageait la danseuse.
Derrière elle, sa mère, son modèle de vie et sa première fan. Et puis Silvio, son compagnon depuis onze mois. Sa « perle rare ». Celui qui a su calmer ses maux après des années de blessures.
« Je ne les laisserai pas me démolir »
« En fait, maintenant j’ai vraiment l’impression de prendre ma revanche. » La danse comme vengeance. La danse comme manière de se libérer. À travers ses chorégraphies, qu’importe la scène et le nombre de personnes présentes dans le public, elle s’élance, elle s’échappe, elle « lâche complètement prise ».
Que dirait-elle à ceux qui l’ont écorchée ? « Merci », affirme-t-elle les yeux embués de larmes. « Merci parce que ça a été profondément horrible sur le moment mais grâce à vous, je suis devenue la personne que je suis aujourd’hui, et je l’adore ! » Indépendante et pleine d’ambition, la jeune femme a toujours lutté pour que son avenir soit entre ses mains. Et ses mains seulement. Ses formations en écoles privées ? Elle les finance seule, à force de petits boulots à côté de sa passion. « Je refuse que mes parents m’aident d’un centime. Si ça marche, c’est grâce à moi. Sinon, ils ne perdent rien. » Et quand on lui parle d’inquiétudes quant à son avenir financier, rien ne lui fait peur, elle arrivera à se débrouiller.
Sa plus grande inspiration : la comédie musicale The Greatest Showman et sa chanson « This is me ». Une mélodie sur laquelle elle « se lâche, fait n’importe quoi, sans réfléchir », avec des paroles qui reflètent son histoire : « J’ai appris à avoir honte de mes cicatrices, fuis, disent-ils, personne ne t’aimera comme tu es. Mais je ne les laisserai pas me démolir, je sais qu’il y a une place pour nous, parce que nous sommes des guerriers. »** Un hasard, une coïncidence ? Probablement pas. Aux yeux de sa meilleure amie, « Lilou, c’est une battante, une guerrière. »
*Terme anglais signifiant le fait de s’être transformé positivement avec l’âge.
**« This is me », Keala Settle, The Greatest Showman Ensemble. Paroles originales : “I’ve learned to be ashamed of all my scars, run away, they say, no one will love you as you are. But I won’t let them break me down to down, I know that there’s a place for us, ‘cause we are warriors”
CFPESD
Bon encouragement pour Lilou, ses études à Nice l’ont construite et pas détruite; elle a eu la bienveillance de ses professeurs qui ont su croire en elle et l’ont toujours soutenue (preuve en est sur cette magnifique photo signée Latifa Lekhdar). Maintenant la danse n’est pas une illusion, mais un métier à part entière, dont le corps est l’outil de travail. Le corps peut être transcendé quand la personne a plusieurs atouts et pas seulement l’esthétique. Il y a des corps longilignes et vides, il y a des corps plus ingrats mais des personnalités fortes, que l’on retrouve sur scène. L’important est de trouver sa voie ……… et son équilibre. Le plus difficile quand nous formons les danseurs, c’est de rester honnête quand à leurs compétences, car nous sommes des professionnels qui conduiront ces jeunes à un métier. Le métier a ses exigences et une réalité pas toujours facile: il est important de conseiller et orienter les jeunes, mais hypocrite d’entretenir l’illusion et le rêve. Une école professionnelle est une étape de la vie, quand on prépare les artistes la complaisance n’a pas sa place, c’est la technique, la précision, l’artistique qui sont dominants, tout en préservant le dialogue. Et souvent, entre rêve personnel et contrat professionnel, il y a un grand chemin à effectuer. Il faudra travailler encore et se former au chant et au théâtre pour entrer dans les productions citées, rien n’est impossible, nous le disons toujours ! Votre post dévoile la déception d’une étudiante, mais elle aurait dû dire tout ce qu’elle a acquis en positif et en conscience du corps, en danse, par son 1er cycle d’études. « Il faut 10 ans pour former un danseur … » Martha Graham